Le photographe
Daido Moriyama est un photographe de rue japonais né en 1938. Il est connu pour ses photos noir et blanc très contrastées et avec beaucoup de grain. L’une de ses photos les plus connues est celle d’un chien qui se retourne vers lui. Cette photo symbolise son œuvre, il se décrit lui-même comme un chien errant dans les rues de Tokyo.
Son approche de la photographie est assez rafraîchissante. Il est passé de l’argentique de ses débuts à un appareil photo compact classique sans jamais revenir en arrière. Il lui arrive de ne pas vraiment viser et se moque d’obtenir des photos floues ou mal cadrées. Ce qui l’intéresse, c’est la pratique de la photo. Il est étonnant de voir que malgré son succès, il n’a aucune prétention par rapport à ce qu’il fait.
Citation
« On m’a offert mon appareil photo comme un cadeau, mais quand je l’ai utilisé je l’ai trouvé incroyablement bon. N’importe quel appareil fait l’affaire. Ce qui importe, c’est de prendre des photos. » Daido Moriyama
L’exposition
L’exposition est répartie en deux salles. Les deux tiers du rez-de-chaussée sont dédiés à l’exposition « Tokyo Color », qui présente 86 tirages couleurs. Ces photos ont été prises entre 2008 et 2015.
Le tiers restant est occupé par une salle de cinéma, spécialement mise en place pour l’occasion. Dans ce cinéma, un diaporama de 25 minutes intitulé « Dog and mesh tights » affiche 291 photographies en noir et blanc sur 4 écrans géants. Les photos ont été réalisées dans les villes de Tokyo, Hong Kong, Tapei, Arles, Houston et Los Angeles entre juillet 2014 et mars 2015.
Le vernissage en mode « printing show »
Quelques mots sur le printing show qui a eu lieu pour le vernissage de l’exposition. Le visiteur pendant cet événement pouvait sélectionner 40 photos sur 60 proposées. Une fois les photos choisies et ordonnées, la fondation Cartier avait mis un dispositif en place pour les imprimer et les relier. Dernière étape, l’artiste signe l’exemplaire fraîchement crée. L’idée n’est pas nouvelle, mais je la trouve très ludique. L’expérience n’était pas non plus gratuite, puisqu’elle coûtait la bagatelle de 60 €… J’essaye de me rassurer comme cela vu que j’ai appris la nouvelle le soir même.
Citation
« Lorsque je signe les livres, je regarde la première page et je me dis : « Ah. Cette personne a choisi cette image ! » J’ai l’impression de connaître ses goûts et son caractère sans pourtant ne rien savoir de son quotidien ou de son travail. […] J’aime beaucoup cette idée. Je pense qu’il existe, grâce à la photographie, un moment de communication avec celui ou celle qui se tient devant moi à ce moment là. » Daido Moriyama
Bilan
Autant le dire tout de suite, j’attendais cette exposition avec impatience. Daido Moriyama est un pure photographe de rue comme il en existe peu. Il continue inlassablement à pratiquer son art quasi quotidiennement et cela malgré ses 77 ans. Il a un style bien particulier que j’adore, l’une de ses signatures, des photos noir et blanc très contrastées. Il est d’ailleurs connu essentiellement pour son œuvre en noir et blanc. Une exposition en couleur de sa part m’a tout de suite intriguée et il fallait absolument que je m’y rende.
L’exposition ne plaira pas à tout le monde, la plupart des photos ne montrent aucune personne physique. Il s’agit le plus souvent d’objets en gros plan, de reflets, d’ombres, de formes, de textures. Il ne faut pas s’attendre aux photos que l’ont a l’habitude de voir. J’ai eu un peu de mal à rentrer dedans, mais c’est là où ca devient intéressant. Il nous force à sortir de nos schémas habituels et de nos pensées préconçues sur ce qui mérite d’être photographié ou non.
Avec le temps j’arrive de mieux en mieux à apprécier les expositions photos. Une chose très importante pour les apprécier, c’est de reconnaître les séries. Tout comme les livres photos, elles nous montrent les photographies dans un ordre bien déterminé. Cet ordre a été réfléchi et même s’il peut paraître parfois aléatoire, il ne l’est pas. Lorsqu’on le sait, on ne voit plus les choses de la même manière et on aura plaisir à comprendre que si cette photo d’arbres et à côté de cette photo de rideau, c’est parce que les reflets de lumière dans le rideau ressemble à des arbres. Ou si ce corps de femme est à côté d’une photo de tuyaux c’est parce que les deux ont des formes qui se ressemblent. Et ainsi de suite. L’exposition contient beaucoup de photos côte à côte qui ont donc un point commun et où il faut essayer de le trouver. Ca devient tout de suite beaucoup plus amusant.
En réalité, cette « lecture » des expositions n’est jamais décrite ou expliquée où que ce soit. Cela fait partie des choses qu’on assume : que le public sache déjà en entrant voir une exposition photo… C’est notamment pour cela que j’aime assister aux visites guidées, on obtient souvent quelques clés pour mieux comprendre une exposition en particulier et ces clés peuvent resservir pour d’autres. On peut aussi se pencher sur la technique et se demander comment le photographe a pris une photo. Ou l’histoire qu’il y a derrière, pourquoi on n’aurait pas pris cette photo à sa place ou différemment etc. Tous ces éléments sont des outils pour mieux apprécier une exposition.
Cette exposition m’a plu parce qu’elle démontre notamment qu’on peut prendre des objets anodins en photo et les transformer en quelque chose d’intéressant, surtout si on les associe en série. Lorsque l’on débute notre parcours en tant que photographe, c’est avec d’énormes œillères autour de nos yeux. Elles nous empêchent de voir très loin ou sur les côtés. Au fil du temps on arrive à réduire la taille de ces œillères, le but ultime étant de pouvoir totalement s’en affranchir. Cette exposition m’a permis de réaliser qu’il pouvait avoir encore plus de choses à prendre en photo dans la rue. Alors bien sûr, je ne vais pas prendre que des arbustes et des néons en gros plan mais ils seront ajouté aux éléments qui attirent mon regard. On ne ressort pas tout à fait pareil d’une exposition photo, notre regard évolue.
L’autre exposition Fernell Franco
Une autre exposition a lieu en sous-sol et son prix est compris dans le billet, alors autant en profiter ! Il s’agit de l’exposition de Fernell Franco. Première rétrospective européenne consacrée au photographe latino américain. Elle rassemble dix séries (immeubles en démolition, intérieure de salles de billard, prostituées…). Le tout sur fond de Salsa. L’exposition met également en avant les techniques et expérimentations utilisées par le photographe pour modifier ses photos dans la chambre noire.
Bonus
La fondation Cartier propose en ligne pour la première fois en dehors du japon, 160 photos de Paris prises par l’artiste entre 1980 et 2003. La possibilité de voir notre capitale à travers les yeux de l’enfant de Shinjuku. L’expérience peut se révéler frustrante puisque uniquement 15 photos sont consultables par jour. Je préfère vous le dire, cela vous évitera de chercher désespérément pendant de longues minutes, le reste des photos (c’est du vécu).
Informations pratiques
Prix : 12,10€
Horaires
Du 6 février au 5 juin 2016
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 20h
Nocturne le mardi jusqu’à 22h.
Du mardi au vendredi, à 18h, visite guidée de l’exposition avec le billet d’entrée. Dans la limite des places disponibles.
Fermeture le lundi.
Adresse
261 Boulevard Raspail, 75014 Paris
Site web de la fondation Cartier
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